Cette tour carrée, assez basse et massive, n'avait, de quelque coté qu'on se tourne, que trois cotés. C'est à dire que d'un regard, on voyait nettement sur un coté un grand mur nu, seulement percé de cette ouverture un peu longue, comme surajoutée, cette fenêtre presque baroque, et en même temps sur le coté adjacent, à la perpendiculaire, le mur en pierre sans ouverture aucune, presque entièrement recouvert de lierre. Alors, commençant un tour vers ce mur de lierre, le troisième coté, aussi nettement à la perpendiculaire découvrait une grande porte en bois sculpté, surmonté de décorations d'un autre âge. En continuant le tour, le quatrième n'est rien d'autre que le grand mur nu percé d'une fenêtre.


Tiens, étrange, se dit alors le promeneur, ces deux murs adjacents similaires. Mais en continuant, on trouve juste après ce quatrième coté celui couvert de lierre, et là, une hésitation se fait jour. Y a t'il un mur que je n'aurais pas remarqué ? comment se peut il que ces parois, toutes à angles droit, ne soient que trois ? Alors un autre tour, et de fait : la fenêtre, le lierre, la porte, la fenêtre, le lierre, la porte.


Mais c'est que cette porte donne toujours sur un coté différent, alors, se dit le promeneur vaguement mal à l'aise, vaguement amusé. Cela signifie qu'il y a quatre sorties, quatre directions ? C'est presque une plaisanterie, n'est-ce pas.
Un moment de repos, on regarde alentours, on prend des repères. De fait, le chemin autour de la tour est régulier, bien creusé. D'autres ont eu cette même hallucination, apparemment. Oui, on est monté longtemps avant d'atteindre cette tour. Une longue colline couverte de genêts, pas beaucoup de repères. La vue est dégagée, mais il faut accrocher le regard au loin pour être bien certain de son orientation. Alors cette tour, là bas, sur la colline au loin, qui fait face à la porte ? si je refais un tour, elle sera en face de la fenêtre ?

On rit nerveusement, c'est pour clarifier les choses, on n'y croit pas vraiment, n'est-ce pas. Alors on fait ce énième tour, un peu plus vite, sans trop regarder la tour, pour épier comment le paysage se défend de cette impossibilité : en regardant autour, et non la tour , je reviens à mon point initial, et le paysage n'aura pas changé ! mais si, en face de la porte, la tour n'est plus là. on va vers la fenêtre, et la tour en face se découvre.


un vertige certain prend le voyageur qui s'assoit un moment, et tente de retrouver son calme et ses repères. Il a ce doute affreux de celui qui n'arrive pas à oublier un problème nouveau auquel il doit subitement faire face. Finalement, il refuse de prendre parti, se sent mortellement fatigué, se lève brusquement, et sans regarder la tour, prend n'importe quel chemin, le premier qui l'en éloigne, et dont la direction lui est directement opposée. Les genêts sont hauts, le sol en pente monte et descend, il sent qu'il s'éloigne de cette mauvaise impression, il se sent mieux, rit déjà de son impression et se voit en train de la raconter à ses amis ce soir, à l'auberge. Perdu dans ses pensées il tourne encore un peu et au détour d'un chemin il arrive devant une tour carrée, dont il voit deux cotés, l'un couvert de lierre et l'autre une porte lourde en bois sculpté.