Avant d'aborder la difficile question des périodes de l'histoire de la musique, il nous faut expliquer le fonctionnement du calendrier AG, sur quoi reposent ces divisions mêmes, en quelque sorte.

 


Le calendrier AG


Le calendrier AG n'est pas une variante du calendrier Grégorien, ce qui pourrait expliquer le G, non, il s'agit du calendrier Gérard.
Dans ce calendrier, nous nous repèrerons de la manière suivante : nous sommes soit Avant Gérard (AG), soit Après Gérard (AG), en quelque sorte.
L'abbréviation commune est extrêmement utile et simplifie bien la vie, puisqu'il est désormais inutile de savoir si l'événement dont on parle se situe avant ou après Gérard. C'est un progrès considérable. Maintenant, qui est Gérard ?
C'est tous les Gérard, ou plus exactement n'importe quel Gérard, en quelque sorte.

 

Prenons un exemple


La famille Grosfurioz, disons, décide d'adopter le calendrier Gérard, et on ne saurait trop l'en féliciter. Le père, Erguertar Grosfurioz, qui est boucher, un ami de Poucrasse Grodseirue mais cela n'a pas d'importance ici, Erguertar Grosfurioz va donc convoquer la famille sous la lampe du soir, autour de la table, après le diner. Muni du grimoire familial, dans lequel sont consignés les ancêtres, leurs exactions comme leurs hauts-faits, il choisit, après des semaines de méditation, la mort de Gérard-Antisphrate Bourlfourez, survenue il y a 25 ans, (mort dûe à la réception sur son chef d'un tronc qui passait, lorsque Gérard-Antiphrate, largement chargé en alcool, s'est arrêté au milieu du carrefour pour contempler le goudron) pour établir le calendrier familial, en quelque sorte. Erguertar, aujourd'hui âgé de 57 ans, sera donc né en 32 AG. Or dans la famille Grosfurioz, Erguertar a une épouse, Philomètre, née trois ans après la mort de Gérard Antisphrate Bourlfourez, on dira donc qu'elle est née en 3 après Gérard (3 AG).
Précisons, de plus, que ce Gérard a une petite sœur, dont nous tairons le nom, pour simplifier la démonstration, qui est née trois ans avant sa mort. Elle est donc née en 3 AG. Tout ceci est d'une limpidité désespérante, en quelque sorte.

 

Maintenant, afin d'élever le débat, introduisons une parenthèse théorique, dite "l'hypothèse de la petite sœur de Gérard": Admettons que pour des raisons diverses (respect de la tradition familiale, mémoire défaillante, que sais-je) la famille Grosfurioz dont nous connaissons déjà le père Erguertar et l'épouse, Philomètre, se fonde sur un AUTRE Gérard, né quelques centaines d'années auparavant. On peut imaginer par exemple que le père Erguertar, mort dans un accident de mobylette peu après avoir fixé le calendrier Gérard en fonction dans sa famille, son remplaçant, Norbert-Norbert Erguertar, fils illégitime d'Erguertar, conçu lors d'une orgie qui a suivi l'inauguration du cellier de Pholoppe l'Audentre, voisin de palier de madame Nicolle[1], décide en quelque sorte d'utiliser comme référence un autre Gérard, un Gérard né 363 années après le premier Gérard. La petite sœur de Gérard II (le premier de notre
exposé, mais le deuxième chronologiquement) est donc née en 360 AG, et 3 AG.

 

Cette petite sœur du premier Gérard, (celui qui est père de famille, j'entends, bien entendu), a, admettons, un deuxième frère qui s'appelle Gérard, qui est, lui, son cadet. Elle nait avant son frère cadet
(oui, c'est un cas possible), supposons donc qu'elle naisse trois ans avant, on dira, AUSSI, qu'elle est née en 3 AG : à la fois 3 ans avant son frère Gérard, mais aussi 3 ans après ; c'est infiniment pratique.

Fin de l'hypothèse dite en quelque sorte de la petite sœur.

 

Attention ! Ne partez pas ! Ce n'est pas du tout fini ! Tous les atouts du calendrier Gérard ne sont pas encore exposés entièrement.
 Les années Gérard sont de longueurs différentes. On appelle cela l'année Gérard de longueur variable, AGLV. Mais elles ne sont pas toutes de longueur variable[2] ! D'ailleurs chacune prise isolément est de longueur invariable, ce qui n'est pas peu dire.
Par exemple ?
Ah ha ! Par exemple madame.
Par exemple, 1200 AG dure huit fois plus longtemps que l'an 1204 AG, qui durait déjà 5 fois plus longtemps qu'une année normale.
Ainsi, des gens naissent en quelque sorte et meurent en 1200 AG, et pourtant accomplissent bien des choses.
On peut penser qu'il est triste de mourir si jeune, mais d'un autre côté c'est une sérieuse économie de temps, et pour tout le
monde ! Nous reviendrons sur l'année octuple 1200 AG, qui ne nous a pas encore livré tous ses secrets. Ensuite, sous Repher, certaines années Gérard ont été sautées, pour éviter de vilains chiffres, comme 1524 AG ou 889 AG. Ainsi peut-on vivre des années de longueur excessive, certes, mais peut-être que les deux années à venir seront tout simplement inexistantes !

 

N'est-ce pas d'une grande élégance ?

 

D'autre part, à partir du constat maintes fois répété que certaines années sont fastes et d'autres non, des années de même longueur que leur voisine se déroulent à l'envers : en quelque sorte l'année 345 AG par exemple commence, et voici qu'en plein mois de juin, on est l'année précédente : l'année 343 AG était si belle[3] !
Toutefois, l'unanimité ne règnait pas sur ces effets d'aller et retour, et pour mettre tout le monde d'accord, le pape Voixis Cleptantre (22 AG) a décidé en 2349 AGLV : "A partir de 1512 AG, toutes les années vont se dérouler à l'envers."

 

Voixis Cleptantre, anti-pape, déjà atteint du mal de l'orgue-accord, qui va l'emporter.

 

Mais ce que Voixis Cleptantre n'avait pas pris en considération, c'est toutes les conséquences fâcheuses du retour progressif dans le calendrier : en quelque sorte les morts, progressivement, alors qu'on remonte dans le calendriers, les morts se réveillent, revivent, reviennent ! On refait les enterrements à l'envers, ça prend un temps !
Certes, au début, c'était la liesse, revoir sa vieille maman juste enterrée toute fraiche qui revient[4] ! Mais bientôt, les années Gérard passant à l'envers, on a vu resurgir des
pauvres squelettes décrépis, déjà décomposés, alors qu'ils étaient fraîchement ressortis de la tombe, fraîchement re-nés, si j'ose dire ! C'était franchement dégoûtant,
en quelque sorte. Et n'oublions pas les jeunes enfants qui disparaissent, absorbés par les années d'avant leur naissance, etc. Ce que l'on gagnait d'un côté, on le perdait de l'autre, n'est-ce pas, telle est la morale de cette histoire de Voixis Cleptantre.

 

Pas simple, comme situation, pas simple.

 

 

Il faut, maintenant, c'est impératif, passer au sujet étonnant des semaines du calendrier Gérard.
Chaque année Gérard a précisément 148 semaines, mais seulement les semaines paires ! Car de semaines impaires, il y en a 35, que l'on garde pour la fin de l'année, pour les vacances, un peu cachées, un peu honteuses, comme la poussière sous le tapis. Que faire de ces moches semaines impaires ?
En tous cas, le total est de 159 semaines, je ne vous le fais pas dire, certaines semaines étant à la fois paires ET impaires. Mais cela est de maigre importance pour nous.
Ce qui posa un problème autrement sérieux, je vous en prie, n'allez pas plus vite que moi, c'était que personne en quelque sorte n'était capable de se souvenir du futur du calendrier, c'est-à-dire de ce qui venait de se passer, au moment de changer de semaine. Vous voyez-vous en train prévoir votre week-end à la campagne pour la semaine précédente, sachant qu'il y a une semaine impaire au milieu, donc vous ne pouvez pas partir trop loin, et que vous allez changer d'année vendredi vers 15h30, etc, etc ?
Non non non non, ce n'est pas sérieux, en quelque sorte, tssssssss.

La solution vint du pape précédent, apparu peu après la mise en place des années à l'envers : l'anti-pape Hubert-Fix-Hubert décida courageu-sement de repartir à l'endroit, et pour ne vexer personne, il choisit de repartir de l'année 12 AG, année qui durerait 10 semaines seulement, dont 12 impaires.[5] Depuis, toute le monde s'accorde à trouver les années longues, mais régulières.

 


Le calendrier dissident des faucheurs aux fers carrés.


Les faucheurs aux fers carrés sont apparus vers 120 AG, et se sont développés autour des zones peu peuplées de l’Abyssinie, vers Adis-Abeba, entre Falle et Wascha, là où l’herbe pousse suffisamment drue pour que des moutons et des vaches puissent subsister. Ils se sont réunis dans le but de former un groupe de pression sur Hubert-Fix-Hubert, pour instaurer un nouveau calendrier, fondé sur un autre critère que celui des Gérard : le compte manuel-automatique.
Ce compte repose sur le principe simple qu’une journée n’est jamais semblable à la précédente, ni à la suivante, contrairement au postulat de Gérard (qui suppose l’interchangeabilité générale : Gérard est équanimiste dans la désignation). Les faucheurs ont donc pris le parti inverse, qui est de considérer comme interchangeables en quelque sorte les différents moments d’une journée, et plus encore les heures, en revanche les années elles, devaient être soigneusement et fermement mises les unes après les autres, en quelque sorte en quelque sorte.
En revanche, et c’est un apport considerable dans l’histoire du calendrier, les années n’étant jamais les mêmes, les anti-Hubert-Fix-Hubert eurent l’idée de les compter avec des lettres, A, B, C, D, et une fois arrivé à D, ils sont repartis en sens inverse, C, B, A, pour être certains de ne perdre le sens la séquentialité, primordiale à leurs yeux.
Résultat, les retours des lettres étaient relativement irréguliers, quoique prévisibles. On pouvait par exemple célébrer le retour de l’année C, une fois à quatre ans d’intervalle, une fois à 46 ans d’intervalle. Comme l’année n’était pas subdivisée, ou sans rigueur, comme nous l'avons déjà mentionné, les événements étaient repérés
essentiellement par leurs années d’apparition, et ainsi on fêtait son anniversaire plus souvent si on était né dans une année B ou C, par exempleon avait donc plus de cadeaux, mais à la fin c'est pareil, puisque la limite d'âge est la même pour tout le monde : soit on vit courtement, avec plein de cadeaux, soit on vit beaucoup plus longtemps, mais on s'ennuie.

Triste sort en vérité que celui des faucheurs aux fers carrés.

Le pope Enrithrade Poncif (dit le Grand) a mis de l’ordre là-dedans, en forçant les faucheurs à intégrer le calendrier Gérard, mais sans succès. Ils ont finalement abandonné tout compte du temps, et vivent désormais bien contents.


NOTES

[1]On a même dit que Pholoppe n'avait pas seulement l'oreille de madame Nicolle, mais aussi son oreiller, mais qu'est-ce que cela peut bien avoir à faire ici ?


[2]Hans Righ a même spécieusement émis l'idée que chaque année Gérard était de longueur invariable,
puisqu'une année ne change pas de longueur au milieu. Nous verrons à quel point cet esprit chagrin se trompe.

 


[3]L'année 344 a été sautée, pour des raisons tellement évidentes que nous ne ferons pas l'insulte à notre lecteur de lui redévelopper les raisons.

 


[4]Inutile de dire que cette période a vu la consécration de l'association des renversés, qui prônaient les idées farfelues de Paul-André Valoudet. Néo maçons, ils se sont infiltrés dans tous les maillons de l'état, mais malheureusement pour eux, leurs manières singulières (marche en rétrograde, paroles palindromiques, etc.) les ont vite fait repérer.


[5]Les deux semaines extra étaient en extra.