En 23 AG, à Carthogène, petite cité lovée dans les bras de la Saône, le sceptique hérétique logicien Demestrios Tostène publie son De Tractatibus Elementaus Sectis, qui décrit en ces termes le rigoratis, aujourd'hui connu sous le nom de bassonos mortis :
"Armé d'une longue tige qui traverse le corps tel un viril apanage, suivi d'un bec recourbé qui cherche en permanence le souffle de sa victime, terminé par un orifice plus large, en bas, d'où s'échappent de ridicules couinements énervés, tel est le Rigoratis. Il acquiert à l'âge adulte une couleur bois sombre, presque noire, et on appose à sa victime une sangle qui soulage légèrement son dos, tordu de toujours porter cet appendice subi. le Rigoratis s'istalle chez les enfants très tôt, et sans espoir de rémission. Selon les régions et selon la force du démon, on peut contrarier la croissance du Rigoratis pour que l'adulte puisse vivre, mais bien souvent, dans nos contrées, le Rigoratis prend possession du corps de l'enfant, croit avec lui, et, à l'âge adulte, tel le gui sur le chêne, absorbe toutes ses forces vitales, jusqu'à l'épuisement définitif de son porteur. La courte vie de celui-ci n'a d'autre possibilité que de se plier aux moindres caprices du Rigoratis, le plus souvent attiré par les sonates baroques et les solos plaintifs commençant très haut dans le registre. La difficulté principale du porteur est que le Rigoratis s'attaque au système respiratoire : il devient impossible de respirer sans passer par l'anche double du démon. Chercherait-il résister et tenter ainsi d'épuiser son bourreau par asphyxie ? le porteur se trouve peu à peu anémié, (le Rigoratis allant puiser dans le cœur même du porteur) et n'a d'autre choix que de souffler dedans à nouveau pour retrouver la vie.

 

 

On a installé ici un camp de quarantaine, pour débarrasser le monde du Rigoratis, et on peut entendre loin les plaintes lamentables des victimes, et traits échevelés de ceux qui, n'y tenant plus, soufflent convulsivement dans la bête, lui redonnant ainsi toute sa vigueur. De leurs souffrances terribles, bien peu se tirent d'affaire.Des rebouteux immondes ont fait leur beurre de la promesse d'une ablation complète du Bassonos mortis. Mais chacun devrait savoir que c'est impossible, à moins d'accepter une difformité définitive. On voit leurs victimes errer de ville en ville, estropiés, reconnaissables à leur air hagard, chantonnant quelque mélodie inlassablement répétée avec leur maladie, les mains s'agitant convulsivement dans le vide, et comme privés de leur double totémique."

 

Aujourd'hui heureusement on trouvé le remède au Bassonos Mortis, et c'est délibérément qu'on contracte ce virus, qui enchante les enfants et les vieillards. L'ablation du bassonos reste délicate, mais pris assez tôt, on peut mettre dans le formol les vestiges de ce mariage forcé. La société Puvert & Duk a mis au point des cercueils pour Bassonos, ainsi que des aquariums pour conserver et exposer les vestiges.