l'emplacement du chateau de Chamboord


Conçu pour flotter au gré des cours d'eau de France, le château de Chamboord ne reçut sa position actuelle qu'incidemment, par erreur presque. Le vent et le courant n'ont aucun mal à propulser avec lenteur et élégance sa pierre délicate qui contient plus de 98 % d'air. Les lourdes tours d'angle du donjon, de forme rebondie, assuraient une stabilité au bibendum Chamboord qui oscillait d'une rive à l'autre, leur rondeur offrant même, en cas de tangage dû à une vague particulièrement haute, l'appréciable fonction alternative de flotteur. Un mois sur la Loire, une semaine sur la Seine, et les sujets du Royaume s'esbaudissaient d'une telle splendeur flottante, avec, à sa poupe, entendez la lanterne, le Comte de Chamboord lui-même qui donnait du bras quelque salut, direction, décret ou quelque baffe à un moustique. On trouve un écho affaibli de ce symbole du pouvoir chez Mao Tse Dong, qui se faisait appeler le Grand Timonier.
On observera aussi que la symétrie obsessionnelle de l'architecture n'a d'autre fonction que de permettre de repartir fissa en sens inverse, ou sur le côté, en cas d'embourbement, ou de chute du vent. Pourquoi le château de Chamboord s'est-il fixé ici, apparemment définitivement, dans ce coin isolé de tout ? Les almanachs nous rapportent qu'en 1553 AG (selon le calendrier de Gérard, 1553 Avant Gérard, ou Après Gérard, selon le Gérard choisi comme point de référence, (voir annexe : le Calendrier Gérard), une crue particulièrement importante de la Loire a endommagé les récoltes, et noyé les maisons imprudemment bâties trop bas. Ainsi le château, qui probablement à ce moment était sur la Loire, s'est-il sans doute trouvé emporté loin du lit, fort d'un vent du Nord. Mais l'eau se retirant lentement, le vent soufflant, le château n'avait plus assez de profondeur pour avancer, et a été abandonné ici, poupe vers le sud, en un grand départ inassouvi vers le Cosson.